Rencontre avec Nydia Blas, photographe accueillie à la Friche à durant l’été 2025 dans le cadre du programme City/Cité, un partenariat entre Atlanta et Marseille.
En 2015, la Friche lance le programme Résidences Méditerranée avec l’Institut Français du Maroc. Depuis, une cinquantaine de jeunes artistes de nombreux pays du sud de la Méditerranée ont bénéficié de ce dispositif leur permettant de séjourner 3 mois à la Friche avec un accompagnement de l’une de ses structures résidentes.
Chaque artiste bénéficie alors d’un espace de production adapté à son projet et aux formes qu’iel développe. Un accompagnement personnalisé est mis en place via l’implication d’un·e accompagnateur·ice tout au long de la résidence, permettant des moments de parole et de « critique » qui ouvriront des espaces de réflexion à chacun·e.
En résidence depuis trois mois à la Friche, le photographe Ebrahim Bahaa-Eldin a pris des dizaines de clichés de Marseille. Sur les murs du grand atelier, les photos sont autant de fragments qui composent sa vision de la ville : des espaces vides, abîmés, ou cachés, auxquels on ne prête pas attention, qui côtoient des visages, celles et ceux qu’Ebrahim a croisé au cours de ses longues et lentes marches. Entretien.
Qu’est-ce que tu veux montrer à travers ce projet photo et plus largement, que signifie la photo pour toi ?
Je voulais réaliser un témoignage de ma rencontre avec la ville de Marseille. J’ai essayé de capturer comment je l’ai vue plutôt que ce que j’ai vu. Je ne cherche pas la beauté, mais je cherche la vérité, notamment dans les choses ordinaires, la beauté du banal, loin des clichés touristiques. J’ai fait des études d’anthropologie, je pense que cela influence la manière dont j’observe, sans jugement ni préconceptions. J’aime beaucoup la lenteur, je ne prends des photos qu’en argentique, que je développe moi-même. Je ne me suis jamais servi d’un appareil photo numérique !
La photographie, c’est facile et difficile en même temps. C’est une des choses les plus simples à faire aujourd’hui, de figer un moment dans le temps, le tourner dans une physicalité qu’on peut tenir, regarder à nouveau. Mais c’est aussi très compliqué, parce que ça ouvre de très nombreuses portes, qui posent des questions parfois joyeuses, mais parfois difficiles.
Est-ce qu’une rencontre t’as particulièrement marqué pendant ces trois mois à Marseille ?
J’ai marché, marché et j’ai rencontré plein de personnes, spontanément. Mais ma rencontre avec Olivier a été vraiment importante. Quand je suis entré dans sa librairie, la Bouquinerie des sœurs et frères de la côte au Cours Julien, je lui ai demandé de le prendre en photo. Il m’a répondu que la photo ne signifiait plus rien, que tout le monde prenait des photos et que cela ne voulait plus rien dire. Il m’a quand même laissé prendre son portrait et quand je suis revenu avec, il a été complètement transporté. Il m’a dit qu’avec cette photo, j’avais montré quelque chose de lui qu’il ne connaissait pas. Et nous avons commencé à travailler ensemble.
Aujourd’hui, il écrit les textes du livre photo que je vais réaliser sur Marseille. Que je puisse faire offrir un nouveau regard à un Marseillais depuis toujours – presque 70 ans – sur la photo et sur sa propre ville, ça a été vraiment fort. Si c’est le seul accomplissement de cette résidence, j’en serai déjà très fier !
Je ne cherche pas la beauté, mais je cherche la vérité, notamment dans les choses ordinaires, la beauté du banal, loin des clichés touristiques.
Est-ce que Marseille a des similitudes avec le Caire ?
À de nombreux égards, la ville est similaire au Caire. Ce sont des villes de contradiction, belles, avec un fort passé historique, mais qui peuvent prendre différents visages selon la classe sociale ou le pouvoir que l’on a. Ce sont des villes qui changent très vite, où l’on a en permanence le sentiment d’avoir perdu quelque chose, qu’on arrive plus à reconnaître les rues. J’essaye de regarder ces villes avec une approche très lente, pour essayer justement de ralentir l’intensité de la ville. J’espère offrir comme cela un témoignage sur l’espace et le temps.
DÉCOUVRIR LE TRAVAIL D’EBRAHIM BAHAA-ELDIN
Instagram : @ebrahimbahaa
Site internet : https://ebrahimbahaa.com/
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