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Aujourd'hui samedi 31 mai.
Comment les grands lieux culturels organisent leur redirection écologique ?
Pour aller plus loin que la décarbonation, la Friche la Belle de Mai de Marseille, la Cité des sciences et de l’industrie de Paris, le musée de Grenoble et le Centre national d’art de rue Le Citron Jaune (Port-Saint-Louis-du-Rhône) misent sur la « redirection écologique ». Grâce à un projet financé par le dispositif Alternatives Vertes 2 (France 2030), ces établissements culturels s’apprêtent ainsi à repenser en profondeur le sens de leurs activités. De quoi tracer un chemin vers une « nouvelle exception culturelle française » au service de l’écologie ?
« Nous sommes ici, à la croisée de la Camargue, plus grande zone humide du bassin méditerranéen, et de la zone industrielle de Fos-sur-Mer qui produit un quart des émissions industrielles de la France » Le doigt posé sur une grande carte IGN, Pascal Servera s’adresse au petit groupe réuni sur la plage Olga, à Port-Saint-Louis-du-Rhône (Bouches-du-Rhône). Il attire successivement l’attention sur les torches de raffinerie, les éoliennes et les portes-conteneurs amarrés au port, donnant à la matinée une allure de visite touristique pour passionné·es de paysages industriels.
Pourtant, Pascal Servera n’est pas guide mais directeur d’un lieu culturel, le Citron Jaune, un Centre national des arts de la rue et de l’espace public (CNAREP) installé depuis 1992 à Port-Saint-Louis-du-Rhône. Cette escale sur la plage Olga marque le point de départ d’un ambitieux projet sur « la redirection écologique des établissements culturels », porté par le Citron Jaune, la Friche la Belle de Mai de Marseille, le musée de Grenoble et Universcience (en charge du Palais de la découverte et de la Cité des sciences et de l’industrie, à Paris).
Pendant trois ans, ces lieux culturels s’apprêtent à repenser en profondeur leurs activités pour s’adapter aux limites planétaires et aux besoins de leur territoire. Quitte à bousculer en chemin quelques certitudes sur les manières de « faire culture ».
Les quatre établissements de ce projet lauréat de l’appel France 2030 « Alternatives Vertes 2 » (opéré par la Banque des Territoires) se retrouvent autour d’un horizon commun : aller plus loin que la décarbonation. Depuis quelques années, le secteur culturel s’est mis en branle sur l’écologie à coup de bilan carbone, de rénovation thermique ou de plan de mobilité durable. « Mais les enjeux sont tels qu’on ne peut pas seulement continuer à faire la même chose en polluant moins », soutient l’économiste et anthropologue Diego Landivar qui encourage son audience du jour à se « poser des questions essentielles ».
Pour les accompagner dans cette mue, les quatre partenaires ont fait appel au laboratoire Origens Media Lab, fondé par Diego Landivar, Alexandre Monnin et Emmanuel Bonnet, les trois chercheurs à l’origine du concept de redirection écologique. Le terme est né de de leurs réflexions sur des secteurs fragilisés par le dérèglement climatique (station de ski, industrie du pneu…). Il propose un vocabulaire et des outils pour anticiper certains choix difficiles imposés par l’urgence écologique. Ce que le trio appelle « arbitrages » et « renoncements », et dont le spectre apparaît progressivement dans le secteur culturel : que veut-on conserver dans les musées ? Faut-il continuer à organiser des festivals dans le Sud en été ?
Toutefois, pour s’éloigner d’une écologie perçue comme technocratique, voire punitive, la redirection écologique invite à placer au cœur de toute décision les besoins, les attentes et les représentations des personnes concernées. Soit nos « attachements », sous la plume des trois auteurs.
Dans les conversations du jour à Port-Saint-Louis-du-Rhône, un adjectif revient régulièrement pour qualifier le projet : vertigineux. Et pour cause : en s’engageant dans ce processus collectif, budgétisé à deux millions d’euros, personne ne sait à quoi s’attendre. À rebours de certaines approches de transition « clé en main », la redirection écologique se présente comme une méthode qui s’appuie sur une première phase d’enquête.
Pendant un an, les chercheur·ses d’Origens Média Lab s’inviteront dans les lieux culturels pour documenter les pratiques et les attachements des usager·es et des professionnel·les. « On collecte des données très concrètes comme les heures d’arrivée, les activités du public ou les habitudes de travail des technicien·nes, mais aussi des choses plus subjectives : ce que le lieu représente pour les gens, ou ce qu’ils/elles viennent y chercher », précise Camille Jaffard, coordinatrice du projet au sein de la Friche la Belle de Mai, tête de file du consortium.
En identifiant ces attachements, et au prix d’une réflexion plus large sur le sens de son activité, la redirection écologique incite à « réaffecter » les ressources au service d’usages adaptés autant à l’époque qu’aux réels besoins des habitant·es. « L’objectif c’est d’ouvrir les possibles pour parvenir à répondre différemment aux attachements forts, explicite Camille Jaffard. Lorsque l’on s’interroge collectivement sur ce qui compte vraiment pour nous, il devient plus facile de renoncer au reste. »
Concrètement, cette démarche peut mener des structures culturelles à réorienter certaines fonctions – diffuser des spectacles, éditer des livres, produire des expositions… – dans le but d’améliorer la vie des habitant·es. Et ce, en s’hybridant avec d’autres usages jusqu’ici plutôt éloignés de la culture (action sociale, santé, agriculture…). C’est ce qu’il s’est passé en 2019 lorsque la bibliothèque de la Cité des sciences et de l’industrie est temporairement devenue un lieu de refuge et de vie sociale pour les personnes migrantes de la capitale. Ou lorsque la Friche la Belle de Mai œuvre à la végétalisation de cette ancienne manufacture des tabacs pour offrir des espaces vivables dans l’espace public marseillais en cas de canicule.
C’est également ce que pointe Pascal Servera en évoquant les activités du Citron Jaune lors de sa visite sur la plage Olga : « Quand on est un lieu culturel dans ce paysage, l’urgence devient de se demander comment habiter le monde de manière moins mortifère et quels rôles les artistes et la culture peuvent occuper face à ces enjeux très concrets d’habitabilité du territoire. »
Ce bouillonnement d’enquête et de reconception donnera naissance à plusieurs outils et guides méthodologiques autour de la « maîtrise d’usage », de la « comptabilité écologique » ou de la « conception muséale terrestre ». Trois structures – le CEREMA, l’Observatoire des politiques culturelles et l’Institut supérieur des techniques du spectacle – sont par ailleurs chargées de la formation et de l’essaimage de la démarche. Car l’ambition des partenaires est claire : emporter le reste du secteur culturel dans leur sillage. « Il est temps d’inventer une nouvelle exception culturelle française adaptée à un monde à deux tonnes », plaide à ce sujet le président d’Universcience Bruno Maquart, en référence à l’empreinte carbone annuelle par habitant compatible avec les Accords de Paris.
ARTICLE RÉDIGÉ EN PARTENARIAT AVEC PIOCHE MAGAZINE
Cet appel à projets, financé par le Gouvernement dans le cadre de #France2030, conçu en lien avec le Secrétariat général pour l’investissement et le Ministère de la Culture, est opéré par la Banque des Territoires (Groupe Caisse des Dépôts) pour le compte de l’État.
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