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Aujourd'hui jeudi 31 juil.

Expérience(s)

Walid Ben Ghezala

Par Sophie Bourlet – Collectif La Friche
25 juillet 2025
© Sophie Bourlet

En 2015, la Friche lance le programme Résidences Méditerranée avec l’Institut Français du Maroc. Depuis, une cinquantaine de jeunes artistes de nombreux pays du sud de la Méditerranée ont bénéficié de ce dispositif leur permettant de séjourner 3 mois à la Friche avec un accompagnement de l’une de ses structures résidentes.

Chaque artiste bénéficie alors d’un espace de production adapté à son projet et aux formes qu’iel développe. Un accompagnement personnalisé est mis en place via l’implication d’un·e accompagnateur·ice tout au long de la résidence, permettant des moments de parole et de « critique » qui ouvriront des espaces de réflexion à chacun·e.

Walid Ben Ghezala, artiste visuel tunisien, se définit comme « un faiseur d’image ».
Pendant sa résidence à la Friche du 7 avril au 7 juillet 2025, accompagné par Jeanne Mercier, il réalise une vidéo et des photos sur l’intime, la migration, les souvenirs, et la nuit. Interview.

Parle-nous de ton parcours… Qu’est-ce qui t’anime en tant qu’artiste ? 

Je suis un artiste visuel tunisien. J’aime travailler avec la photo argentique, le Polaroïd, la vidéo analogique. À vrai dire, je me sens plus comme un “ faiseur d’image ” que comme un artiste visuel. Je travaille avec toutes sortes d’images, photos, vidéos, archives, documents visuels. Je réfléchis à cette intimité comme un acte de résistance et au corps comme une posture politique. Comment le corps se positionne dans l’espace intime, par exemple dans la chambre.  

Quel projet as-tu développé pendant ta résidence à la Friche ?  

Pour ce projet, je questionne des photos familiales et leur capacité à évoquer un souvenir ou une histoire. Dans le processus d’immigration, les gens emportent avec eux des photos de famille, d’enfance, et c’est comme s’ils emportaient avec eux leur pays.  

J’ai réalisé une vidéo de 25 minutes, tournée sur des cassettes MiniDV. Ce sont trois tableaux. L’un, tourné à Marseille la nuit, lors de longues nuits blanches, questionne la notion des fantômes et interroge ces personnes qui errent dans la ville la nuit, leur rapport à la ville, à l’intime, entre eux, ou à la solitude. Dans le deuxième tableau, une tunisienne en processus d’immigration raconte la seule photo qu’elle possède de sa grand-mère, emportée dans sa valise. Le troisième tableau est lié à mes propres photos d’enfance, dont je n’ai aucun souvenir. Comme des pièces manquantes, j’essaye de comprendre ce qui se jouait alors.  

J’ai aussi réalisé une série de photos dans l’espace intime justement, la chambre, comment les corps se positionnent dedans. J’ai essayé de faire un lien entre l’espace visuel de la chambre noire et la chambre qu’on habite, la chambre physique. Il y a aussi la question du hors-champ, les sujets s’enfuient souvent du cadre, sont en fragments dans un espace visuel.   

Je me questionne : est-ce qu’on a encore un chez-soi, quand on s’en va ? Dans la migration, le chez-soi n’existe plus réellement, sauf peut-être, à l’intérieur de nous. Mon chez-moi, c’est aussi dans mes valises, que j’emmène partout, avec des photos, des livres, de la bouffe, ma mère, mon père, ma maison, le village… Mais je ne peux pas porter plus que vingt kilos et parfois, je dois laisser des choses à la douane. [ Rires ] 

Est-ce que tu trouves des similitudes entre Marseille et Tunis ?  

Marseille est assez riche culturellement, historiquement, par sa position géographique. Cette richesse créée quelque chose en attente d’exploser… Et Marseille n’est pas la même la nuit, il y a un vrai filtre qui opère. C’est une ville épuisante, et c’est en lien avec la politique française migratoire, aussi.  

Je pense que Tunis a beaucoup donné à Marseille, mais je ne sais pas si l’inverse est vrai. À part la mer qu’on a en commun. Au bord de la Méditerranée, quand on regarde l’horizon, on sait que quelqu’un d’autre sur l’autre rive est aussi en train de nous regarder. Le philosophe Maurice Merleau-Ponty dit que la mer nous renvoie notre propre regard, je trouve ça assez vrai.  

Quel est ton endroit préféré à la Friche ? 

À l’ombre de l’arbre à l’entrée, je me sens comme dirait Brassens, “auprès de mon arbre”. La Friche est un espace vivant, qui donne beaucoup de possibilités aux gens, même pour des immigrés qui viennent prendre des cours de langues, c’est très intéressant. 

DÉCOUVRIR LE TRAVAIL DE WALID BEN GHEZALA
Instagram : @benghezalawalid

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