Rencontre avec Hiba Dahibi, photographe marocaine accueillie à la Friche au printemps 2025 dans le cadre du programme Résidences Méditerranée.
Bienvenue à la Friche
Aujourd'hui jeudi 31 juil.
En 2015, la Friche lance le programme Résidences Méditerranée avec l’Institut Français du Maroc. Depuis, une cinquantaine de jeunes artistes de nombreux pays du sud de la Méditerranée ont bénéficié de ce dispositif leur permettant de séjourner 3 mois à la Friche avec un accompagnement de l’une de ses structures résidentes.
Chaque artiste bénéficie alors d’un espace de production adapté à son projet et aux formes qu’iel développe. Un accompagnement personnalisé est mis en place via l’implication d’un·e accompagnateur·ice tout au long de la résidence, permettant des moments de parole et de « critique » qui ouvriront des espaces de réflexion à chacun·e.
Yasmine Mechbal est agent d’artistes et curatrice. Originaire de Tétouan, ville conservatrice du nord marocain marquée par des aspects cultuels communs aux sociétés méditerranéennes, elle développe un travail sur le mariage et les injonctions qu’il porte. En résidence à la Friche la Belle de Mai du 5 mai au 7 juillet 2025 où elle a été accompagnée par Fræme, Yasmine Mechbal nous a raconté sa trajectoire Tétouan > Marseille. Interview.
Tu travailles à une exposition prochaine, qu’est-ce que tu y abordes ?
J’ai grandi à Rabat, mais mes origines Tetouanaises sont vives dans la famille, où le mariage prenait énormément de place. La société marocaine, est le lieu de nombreuses injonctions liées au statut matrimonial des femmes, où le mariage est tacitement considéré comme un destin. Sortir de ce destin, c’est s’attirer la honte, et on le rappelle très tôt aux femmes.
Il faut préciser que certaines de ces traditions, comme le trousseau* ne sont pas propres à la culture musulmane, mais commun à une culture méditerranéenne.
En faisant des rencontres avec des artistes, des curatrices, en observant ce que des personnes de plusieurs pays en disent, on se rend compte que ne pas se conformer au schéma imposé peut faire naître un sentiment de vide, de honte (y compris en France).
Il y a des points communs dans les oeuvres de Sara Ouhaddou, Yasmine Hadni, Dalila Dalléas Bouzar, par exemple, qui déconstruisent des récits traditionnels en rendant hommage à la richesse d’un patrimoine culturel qui se transmet au travers de ces rituels. Elles élaborent une forme d’archéologie familiale, intime.
Pour moi l’art, la littérature, nourrissent l’esprit des femmes pour les aider à s’émanciper des cultes, qui limitent la pensée (d’ailleurs les hommes aussi sont concernés par la pression que ces rites et ces rôles exercent).
Pendant la résidence j’ai mis ces œuvres en dialogue avec les textes d’autrices comme Camille Froidevaux-Metterie ou Marie Kock, des autrices françaises qui m’ont permis de mieux comprendre le poids de ces injonctions dans la société française. Ces lectures entrent dans une étape de recherche. Ce projet d’exposition, s’il voit le jour s’appellera Vieille fille (بايرة).
Je vais continuer cette recherche dans d’autres pays. Par ailleurs je suis agent d’artiste (peut-être la seule du Maroc), je les accompagne dans leur carrières et les représente légalement dans les négociations de contrats et les diverses discussions ; c’est un métier qui permet aussi de se nourrir mutuellement.
L’art, la littérature, nourrissent l’esprit des femmes pour les aider à s’émanciper des cultes, qui limitent la pensée.
Est-ce que Marseille est très différent de chez toi ?
Ah pas du tout, on se sent presque à la maison ! C’est mon sentiment en tous cas. Je ne connaissais la France qu’à travers le prisme de Paris, et j’apprécie la diversité culturelle et la chaleur humaine de Marseille. À la Friche on vit à la Villa des Auteurs et c’est étonnant pour moi d’habiter en coloc à 30 ans, c’est riche de rencontres et d’entraide, on a tous·tes envie de se faire visiter nos pays !
*Le trousseau désigne un ensemble de présents que l’on ramène à une femme et qu’elle garde, au long de sa vie, jusqu’à son mariage. Il peut contenir des draps, des bijoux, des effets vestimentaires, des bagages. On trouve des usages du trousseau en Palestine, au Maroc, en Syrie, en Turquie, en Égypte. En Provence et en Italie il semble avoir disparu.
DÉCOUVRIR LE TRAVAIL DE YASMINE MECHBAL
Instagram : @yasmechbal
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