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Aujourd'hui vendredi 19 avr.

Événement passé

Bleu, blanc, rouge. Quand l’art travaille l’école

Arnaud Théval, Florence Lloret, Alain Kerlan

Une proposition de Lieux Fictifs

Du 13 novembre 2021 au 9 janvier 2022
Ouvert tous les jours

Lundi : 11h à 18h
Mardi au samedi : 11h à 19h
Dimanche : 13h à 19h

Vernissage le 12 novembre 2021 à 17h

Entrée libre

Galerie La Salle des machines

Les installations des artistes Arnaud Théval et Florence Lloret réunies dans cette exposition et le regard porté par le philosophe Alain Kerlan sur leurs œuvres et leurs démarches invitent le visiteur à s’interroger sur ce que peut produire l’art quand il travaille l’école. Dans ce triptyque, chacun vient agiter à sa manière l’institution scolaire en interrogeant ses enjeux politiques et existentiels.

Cette exposition sera prolongée d’une table ronde avec les artistes et le philosophe Alain Kerlan le 11 décembre à 15h au Grand Plateau, avec la signature de son dernier ouvrage, dont l’intitulé même fait écho à l’exposition : « Éducation, esthétique et émancipation. La leçon de l’art, malgré tout » (Éditions Hermann, juillet 2021) + d’infos

« En 2019, le plasticien Éric Baudelaire se voyait attribuer le prix Marcel Duchamp, pour son installation Tu peux prendre ton temps, articulée autour d’un long métrage, réalisée en complicité avec… une vingtaine d’élèves d’un collège de Seine-Saint-Denis. En 2004, l’artiste chinois Xu Bing, dans le cadre de Forest Project (2004), luttant contre la déforestation, avait choisi d’aller à la rencontre… d’enfants des écoles, au Kenya.

Ces deux faits ne sont en rien de simples épiphénomènes dans l’actualité artistique. Ils marquent tout au contraire un carrefour significatif dans les développements de l’art contemporain : celui où se croisent les chemins de l’art et ceux de l’école, de l’enfance, de l’éducation. C’est à ce carrefour que prennent place le travail de Florence Lioret et celui d’Arnaud Theval.

Les raisons esthétiques, politiques, éducatives pour lesquelles cette rencontre s’effectue aujourd’hui  – au point qu’une histoire ou un panorama de l’art contemporain ne saurait l’ignorer sans faillir – sont diverses et complexes. Comme sont diverses les manières dont les artistes s’y engagent et y engagent leur œuvre et leur démarche.

Celles de Florence Lloret et de Théval ont une perspective commune, même si les chemins empruntés peuvent différer : leur sujet. Il faut entendre ce terme au sens qui est le sien dans le vocabulaire esthétique, en lui conservant sa double signification : ce sur quoi « porte » l’œuvre, ce dont elle « traite » et la manière dont elle le fait, mais aussi ce sujet qu’est l’artiste lui-même engagé dans ce dont il parle.

Ce sujet qu’ont en commun les deux installations, comment le désigner, le nommer ? La formulation qui s’en approche le plus pourrait être : la condition scolaire. À condition de bien y entendre comment résonne en elle cette autre expression : condition humaine. Oui, il faut parler de condition scolaire comme on parle, par exemple, de condition carcérale, renvoyant à l’assujettissement de l’individu pris dans l’ensemble des dimensions spatiales et temporelles du dispositif, mais aussi à un horizon normatif, celui de l’humanité comme valeur.

On s’égarerait toutefois à ne voir là que reprise d’une dénonciation de ce que certains pédagogues appartenant au courant de la pédagogie institutionnelle, comme Fernand Oury, avait nommé en leur temps l’école-caserne. Le regard que portent sur l’école Florence Lloret et Arnaud Théval et leurs façons de l’interroger ne se tiennent pas sur le seul registre sociologique ou institutionnel : ils relèvent aussi d’une dimension existentielle. Les philosophes qui s’intéressent sérieusement à l’éducation s’accordent à faire reposer toute pensée éducative sur un fait, un fait ontologique : l’être humain existe en formation. Le fait de se former est une dimension constitutive de l’existence humaine. Avoir cela en tête conduit à regarder autrement l’institution scolaire, ses élèves et ses maîtres. Chacune des deux installations réunies dans cette exposition démontre que Florence Lloret comme Arnaud Théval prennent pleinement au sérieux ce fait indissociablement ontologique et institutionnel, et l’interrogent en tant que tel. Ils regardent l’institution scolaire comme cet espace-temps institué ou existent des êtres dans leur condition d’être en formation. »

Alain Kerlan
Philosophe

Arnaud Théval travaille depuis une vingtaine d’années sur et dans les institutions publiques. L’implication des personnes dans ses dispositifs est un acte politique nourrissant son processus de recherche autour des enjeux de places et de représentations des un·e·s et des autres dans leurs organisations sociales. Entre enquête, rencontre et mise en récit, son processus croise des démarches anthropologiques, documentaires et philosophiques. Un processus long dans lequel chaque moment, depuis la rencontre avec les enjeux spécifiques que posent les relations des personnes à l’institution et des interactions avec l’artiste, constitue l’œuvre et entraîne la création d’un espace inédit agitant sans relâche la dimension politique de l’art.

Florence Lloret est réalisatrice, auteure de plusieurs films documentaires. Elle s’installe à Marseille en 1998 et filme la ville à hauteur des enfants. En 2005, elle participe à la fondation du Théâtre la Cité et développe jusqu’en 2020 un programme de résidences d’artistes au sein d’établissements scolaires de la ville. Elle y associe édition de ressources, conférences et formations professionnelles. Elle est l’auteure de « À l’abri de la forêt », livre-film sur deux expériences de création dans une école primaire et un collège de Marseille en collaboration avec le poète Patrick Laupin. Avec « L’école rêveries », sa dernière réalisation, elle fait basculer l’école de cadre à sujet d’une nouvelle création.

Alain Kerlan est philosophe, professeur des universités honoraire à l’université Lumière Lyon 2, où il a exercé les fonctions de directeur de l’Institut des Sciences et des Pratiques d’Éducation et de Formation (ISPEF). Fondateur au sein du laboratoire Éducation Cultures Politiques du pôle de recherche « Politiques de l’art et de la culture en éducation et en formation », et chercheur associé au Laboratoire de Recherche en Philosophie Pratique et Appliquée (Université de Rhodes),  son travail se situe aux carrefours de la philosophie, de l’art et de l’éducation. En complicité avec quelques artistes, il est engagé aujourd’hui dans des expériences de résidences et de performances artistiques et philosophiques où se poursuit l’exploration de ces carrefours. Dernier ouvrage paru : Éducation esthétique et émancipation. La leçon de l’art, malgré tout, Postface de Robin Renucci, Paris, Hermann, juillet 2021.

Pour en savoir plus, découvrez l’entretien d’Alain Kerlan à propos de l’exposition sur le magazine de la Friche.