La Friche est faite de gens qui la traversent. Cette saison, on vous fait les présentations. Derrière ces visages, découvrez l’histoire de celles et ceux que vous avez sûrement déjà croisé·es.
Ici, les gens vont, viennent et souvent reviennent. Au détour des Manufactures, du restaurant, de la place des quais ou du Champ de Mai, un échange, quelques questions et des bribes d’histoires de ce lieu aux mille vies.
Jacqueline est retraitée et très occupée. Trois matinées* par semaine, elle vient au restaurant de la Friche pour dispenser des cours de français à des migrant·es désireux·ses d’apprendre. Un mercredi, il y a quelques mois, à la fin d’un cours, elle nous a raconté les joies et les difficultés de cette activité, mais surtout la richesse des rencontres qu’elle y fait.
* Les lundis mercredis et vendredi de 9h30 à 11h30, le restaurant les Grandes Tables met à disposition son espace à l’antenne locale MassaliaVox de l’association Didac’Ressources.
Je suis Jacqueline, bibliothécaire à la retraite et grand-mère. Depuis environ 6 ans, je viens à la Friche faire du FLE – du Français Langues Étrangères – avec l’association MassaliaVoX. J’avais envie d’avoir une activité qui me plaise et en même temps qui trouve une finalité. En plus d’être stimulante, ça me permet d’avoir une vie sociale, parce qu’on a de très bonnes relations avec les personnes, qui sont d’une grande gentillesse.
« Nous accueillons sans impératif, nous accueillons tout le monde, toutes celles et ceux qui veulent apprendre le Français. C’est notre raison d’être. »
La majorité des personnes que nous recevons sont des migrant·es, adultes, qui n’ont pas la possibilité de se payer des cours payants. Presque tous·tes viennent d’un pays en guerre et sont en situation, officielle ou non, de demande d’asile ou de réfugié·es. Mais nous ne demandons pas de conditions. Nous recevons toujours, c’est un choix que nous avons fait, c’est le seul impératif.
Il nous arrive d’avoir des mineur·es, mais seulement avant leur prise en charge par l’éducation nationale… et nous faisons en sorte qu’iels soient scolarisé·es ! Car la France doit protéger tous·tes les mineur·es, quels qu’iels soient.
« Ici on s’adapte aux personnes qui ont des situations et donc des besoins complètement différents, de par leur niveau de connaissance mais aussi leur histoire personnelle et leurs traumas. »
Vous avez des personnes qui viennent d’un pays francophone mais qui vivaient à la campagne et n’ont pas tellement entendu parler français ; celles qui, francophones ou non, n’ont jamais été scolarisées, celles qui ont fait des études mais n’ont jamais appris le français dans leur pays d’origine. Et puis les histoires personnelles et les traumas.
C’est le cas d’un Afghan, qui était en danger et a dû fuir en toute hâte son pays. Il a des difficultés pour s’exprimer en français, aussi nous n’avons pas bien compris son histoire. Ce monsieur, quand je regarde ses papiers qu’il me montre, il a alors 40 ans, maintenant il arrive à 45 ans. Il n’est jamais allé à l’école. À son drame passé, ses conditions de vie France ne facilitent pas sa disponibilité pour l’apprentissage du français. Ça fait maintenant 5 ans qu’il vient, je vois qu’il progresse doucement, mais il progresse indéniablement dans la lecture et l’écriture.
Je pense aussi à un Nigérien qui vivait la campagne. Il n’est jamais allé à l’école non plus, mais lui est beaucoup plus jeune. Quand il vient au cours, il est épuisé parce qu’il a un travail physique dur, avec marteau-piqueur, les travaux que personne n’a envie de faire soyons clairs… Mais je suis en admiration pour son travail, sa pugnacité. Il progresse vite et je suis totalement émerveillée.
On est mercredi aujourd’hui et vous avez vu un grand frère avec ses petit·es frères et sœurs. Par chance, depuis une semaine ou deux, il y a une personne qui donne des cours de skate à la Friche* qui a proposé d’accueillir les enfants pendant le cours de l’ainé. Alors là c’est super, c’est d’une générosité appréciable ! Pour les enfants surtout, parce que je suis éberluée de voir ces petits si bien se tenir pendant 2h. Je me dis “c’est pas possible, un enfant c’est…” mais ils ont été habitués, probablement dans leur parcours, à se tenir tranquille. Ils sont devenus adultes avant l’heure.
*BSM – Board Spirit Marseille, école de skate à la Friche
« Si c’est par charité, ce n’est pas la peine de venir aider, parce que les apprenant·es le sentent tout de suite et ils et elles ont besoin d’autre chose. »
J’encourage tout le monde à venir car on a vraiment besoin de plus d’enseignant·es bénévoles. On arrive à peu près à équilibrer, mais on se trouve en ce moment avec des tables entre 15 et 18 personnes par enseignant·e. Par contre, il ne faut pas se forcer, il ne faut pas le faire par devoir. Ici, on n’a pas affaire à des enfants, mais à des adultes, donc on n’enseigne pas comme à l’école. C’est une autre approche. Je leur dis d’ailleurs ! : “Je vous enseigne le Français et vous, vous m’apprenez à enseigner !” C’est un échange, c’est un deal. “Si vous ne comprenez pas, n’ayez pas peur. Moi, si vous me faisiez parler dans votre langue, je serais complètement nulle. Donc n’ayez aucune crainte.” Je dois dire aussi que c’est une activité qui entretient cérébralement parce que, le français, on est né dedans ! Mais les apprenant·es nous amènent constamment à nous questionner sur notre propre langue.
Pour rejoindre les bénévoles, j’invite les personnes volontaires à se présenter ici à la Friche les jours de cours : les lundis, mercredis et vendredis de 9h30 à 11h30 !
Pour enseigner, on s’est procuré nos outils, qu’on s’est transmis les unes aux autres, avec ce qui a marché et nos expériences. Il y a également le CRI* qui propose des formations de quelques jours. Vous avez plusieurs lieux de formation gratuite, pour la pédagogie, pour l’enseignement des adultes. J’encourage beaucoup les personnes à venir enseigner. Elles ne seront pas perdues et vraiment elles recevront beaucoup.
La première fois que je suis venu au Gyptis c’était en 2021. Je suis cinéphile depuis mon enfance, avec l’histoire de mon grand-père paternel qui m’emmenait au cinéma dès le plus jeune âge. J’ai ces souvenirs qui ont perduré, et aujourd’hui, à 49 ans, ça se poursuit.
« La première fois que je suis venu à la Friche, j’étais avec mes enfants, fin 2012, puis après il y a eu la capitale européenne de la culture, il y avait des stands au Centre Bourse, j’y suis allé avec mon CV et j’ai rencontré des gens qui recrutaient pour la cuisine, il y avait à ce moment-là beaucoup de mouvement à la Friche et iels cherchaient des gens, c’est comme ça que j’ai rencontré Marie-Jo pour un entretien aux Grandes Tables. »
« La première fois que je suis venu à la Friche j’avais 18 ans et je suis venu au Playground jouer au foot. Et maintenant j’ai 29 ans et je suis médiateur social à la Friche la Belle de Mai. »