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Mémoires

Le Gyptis, toute une histoire

8 novembre 2021

Avant d’être le cinéma d’art et essai de la Belle de Mai tel que nous le connaissons, Le Gyptis a traversé de nombreuses épreuves et a connu bien des rebondissements.
Retour sur son histoire étonnante…

Situé en face de la place Caffo, lieu de rassemblement historique pour plusieurs générations, Le Gyptis témoigne de l’identité d’un quartier resté populaire et ouvrier à travers les années.

La Belle de Mai, est le siège au XIXe et au XXe siècle d’une manufacture de tabac. Dès la fin des années 1830, les fabriques se sont implantées dans les faubourgs nord de Marseille. Quartier le plus proche du centre-ville, il se développe très rapidement et la population s’accroit ainsi après 1847 avec l’installation d’une fabrique d’allumettes, de raffineries de sucre, et surtout de la manufacture de tabac, LA SEITA.

La plupart de ses 16 000 habitant·e·s sont immigrant·e·s, venant autant du centre-ville de
Marseille et de ses alentours que du pourtour méditerranéen, pour la plupart d’Italie.

En 1887, les ouvrières de la manufacture de tabac de la SEITA, celles que l’on nomme « les
cigarières » mènent une grève célèbre durant laquelle elles exigent la démission de leur chef pour protester contre leurs conditions de travail. Elles finissent pas l’obtenir après de longues discussions. À l’image de ces ouvrières combatives, la Belle de Mai sera longtemps associée à une certaine résistance. Une allée centrale de la Belle de Mai sera nommée « Boulevard de la Révolution » en 1926, en hommage à un discours de Jules Guesde qui avait surnommé ce quartier ainsi.

La vie de quartier s’organise à la Belle de Mai autour des divers lieux de rencontre. À l’époque, celui-ci pouvait faire penser à un village !
Lors de leurs rares périodes de repos, les ouvrières aimaient faire la fête. Une ambiance très festive règne alors au Gyptis, où l’on donne des bals populaires attirant les foules. À partir de 1913, Le Gyptis change d’aspect pour devenir une salle de spectacle où l’on peut venir écouter des concerts et visionner des films à épisodes.

Des radio-crochets y sont aussi organisés, Line Renaud et Fernandel donnent notamment des
spectacles et on y voit les grands succès populaires du moment.

Le 27 mai 1944, 800 bombes américaines sont déversées sur Marseille. Les alliés
effectuaient depuis quelques mois en France des attaques stratégiques, visant les nœuds ferroviaires et portuaires pour bloquer les Allemands. Les dégâts collatéraux sont immenses et le quartier de la Belle de Mai est l’un des plus touchés : l’église, le tunnel, et Le Gyptis sont en partie détruits. La SEITA, dont la plupart des habitants dépendait, connaîtra ensuite un long déclin…

Après la guerre et une longue période de travaux, Le Gyptis change de peau en 1987 et devient un théâtre sous la direction de la compagnie Chatôt-Vouyoucas. Francoise Chatôt souhaite, avec cette salle, « tisser des liens d’amitié avec un quartier populaire, riche d’histoire ».
Défi réussi : durant trente ans, le Gyptis accueillera des centaines de spectacles exigeants tout en intégrant les habitant·e·s du quartier à travers diverses actions culturelles. La compagnie de théâtre cesse ses activités en 2013.

MARSEILLE 🖤 LE CINÉMA

L’histoire d’amour entre Marseille et le cinéma remonte au temps où les frères Lumières organisent leur première projection publique en 1896 dans le quartier de Noailles. Ils font entrer la ville dans l’histoire du cinéma puisqu’ils y tournent quelques scènes locales qu’ils projetteront ensuite à Marseille et ailleurs. La foule se précipite dans les salles dès les balbutiements du 7è art. À Marseille, la première salle de cinéma se trouve dans les sous-sols du Grand Hôtel du Louvres au 53, La Canebière.

Plus tard, en 1914, la ville compte 32 salles et devient la ville de province la plus équipée en cinémas dès 1920 avec ses 40 salles.

Malheureusement, la crise de l’exploitation des années 70 est ressentie plus sévèrement à Marseille
qu’ailleurs. L’effondrement de l’industrie navale entraine une crise économique et sociale. La ville se vide de ses ouvrier·e·s et les entreprises ne s’y installent plus. Presque la totalité des complexes disparaissent et les salles de quartier ferment une à une. Marseille en conserve quelques-unes mais perd de son prestige. En 2014, sur les huit cinémas que compte la commune, deux seulement sont classés Art et Essai.

Pour aller à l’encontre de cette situation hors du commun, différents acteurs vont rêver à de nouvelles formes de salles pour inciter les marseillais·e·s à retrouver le cinéma. Vont alors éclore de nouveaux projets avec des propositions singulières et attrayantes pour tous les publics, comme celles du cinéma l’Alhambra à l’Estaque (dès 1990), du Vidéodrome 2 en 2014, de La Baleine en 2018 et bien sûr du Gyptis en 2014.

De nouvelles salles qui ont compris l’importance de travailler en synergie pour exister et reconquérir le public, en faisant le choix de s’associer sur les temps forts de manifestations.

UN NOM SYMBOLIQUE

Considérée comme l’une des plus anciennes du pays, la cité de Massalia a sa propre mythologie. La légende raconte que Protis, venant de Phocée cherchait un endroit pour créer une cité. En accostant, il espère acheter une terre à Nann, le roi Ségobrige. Celui-ci célèbre alors les noces de sa fille, la princesse Gyptis. Selon la tradition, elle doit offrir de l’eau à l’homme qu’elle voudra prendre comme époux. Gyptis choisit Protis, l’étranger qui vient d’arriver. Nous sommes vers l’an 600 avant J-C et c’est ainsi que la cité Massalia voit le jour. Notre cinéma est toujours fier de porter le nom de cette princesse ouverte sur l’ailleurs !


LE GYPTIS, AU CŒUR DE SON QUARTIER

Le cinéma Le Gyptis, rénové, avec l’aide la Région PACA et du CNC, ouvre ses portes en octobre 2014. La programmation est confiée à Shellac, distributeur-producteur indépendant résident à la Friche, représenté par Juliette Grimont, également programmatrice du Cinéma La Baleine au cours Julien. Il est décidé avant les travaux d’opérer une « pré-configuration du cinéma » afin que les habitant·e·s du quartier renouent avec le lieu et puissent se l’approprier. Aussi ils·elles bénéficient chaque dimanche de janvier à juin 2014 d’une séance gratuite.
Afin d’habiller la façade du Gyptis, la Friche sollicite l’artiste JR qui travaillait déjà dans le quartier de la Belle de Mai avec son projet Unframed, consistant à tapisser les façades des bâtiments du quartier de photos anciennes ou actuelles célébrant ainsi ces habitant·e·s et leur mémoire collective.

JR invite le quartier à se faire photographier sur la place Caffo, face au Gyptis dans son photo-camion-cabine pour composer un patchwork qui deviendra le revêtement extérieur du cinéma tel qu’on le connaît aujourd’hui. L’opération rencontre un franc succès grâce à la participation active de tou·te·s, enthousiastes de découvrir leurs visages ornant la façade du Gyptis.

Après sa première année d’exploitation, la salle obtient les trois labels Art et Essai (Jeune Public, Recherche et Découverte, et Patrimoine et Répertoire) tout en restant ouverte aux succès commerciaux qui peuvent également trouver leur place dans un cinéma de quartier.

VERS DE NOUVEAUX HORIZONS

Le Gyptis, c’est aujourd’hui environ 38 000 spectateur·ice·s par an, plus d’un tiers d’entre eux·elles provenant des établissements scolaires de proximité, plus de 600 évènements en partenariat avec des institutions locales et nationales ainsi qu’un Club de programmation pour les 12-17 ans, Gen Z.

En octobre 2021, il a enfin pu rouvrir ses portes, après plus d’un an de fermeture.
Des travaux de confort ont été réalisés, et c’est avec une programmation toujours très variée et de nouveaux ateliers que le cinéma est fin prêt à retrouver ses habitué·e·s et à conquérir de nouveaux cœurs, en préservant l’ambition de toujours rester proche de son quartier et de ses habitant·e·s avec des propositions exigeantes et originales.
L’aventure continue !

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